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Février

20.02.2008

Allocution de Dimitrij Rupel, ministre des affaires étrangères de la République de Slovénie - déclaration au nom du Conseil de l’UE lors de la session pléniere du Parlement européen au sujet du Kosovo


Seul le texte prononcé fait foi


Monsieur le président Pöttering, chers députés, chers amis, Mesdames et Messieurs,

(Le moment des opportunités  et de l'ouverture, vers une nouvelle stabilité)

En y réfléchissant bien, sans tenir compte de quelques détails, je dois avouer que les membres de notre génération, ainsi que ceux des générations postérieures, ont eu beaucoup de chance. Ils ont en effet passé la plus grande, peut-être même la meilleure partie de leur vie à l’époque des portes et fenêtres ouvertes sur différentes opportunités. Cette époque a débuté en 1975 avec l’Acte final d’Helsinki qui a eu  les répercussions les plus fortes en Europe de l’Est et en Europe centrale : en 1989, cette région a été témoin de la chute du mur de Berlin et du communisme. Les ruines de ce mur, les portes et les fenêtres grand ouvertes de la façade est de la communauté euro-atlantique ont ouvert de nouveaux horizons, entre autres une vue superbe sur le paysage vaste, ensoleillé et animé de l’Europe unie et libre, qui est parfaitement représenté par ce bâtiment majestueux du Parlement européen. Dans ma jeunesse, je ne pouvais m’imaginer qu’un jour je pourrais y tenir un discours.

En Slovénie, les années quatre-vingts et le début des années quatre-vingt-dix du siècle dernier ont été désignées comme le printemps slovène. Malheureusement, au tout début de son éveil démocratique, la Slovénie a été touchée par la crise yougoslave. Cette dernière a tenté d’entraver le processus démocratique et a donc  entraîné le retardement considérable de cette transition dans les pays des Balkans occidentaux. La plupart des pays d'Europe de l’Est et d’Europe centrale – ici, je pense aux nouveaux États membres – ont accepté ce défi historique, tandis que le temps s’est arrêté pour les Balkans occidentaux. 

(Politique de l'UE envers les Balkans occidentaux)

L’une des tâches des plus exigeantes confiée au Conseil des Affaires générales et des relations extérieures (GAERC) dont je suis président, est la mise en œuvre de la perspective européenne dans les pays des Balkans occidentaux. Cela signifie l’admission de pays tels que la Croatie, la Macédoine (l’Ancienne république yougoslave de Macédoine), la Serbie, le Monténégro, la Bosnie-Herzégovine, le Kosovo et l’Albanie au statut d’États membres et de pays candidats ainsi que leur adhésion aux accords européens.

La crise yougoslave doit s’achever ! Ouvrons nos portes et nos fenêtres, abattons les murs pour pouvoir accueillir également les pays des Balkans occidentaux et leurs peuples.

Selon les prévisions de l’Agenda de Thessalonique adopté en 2003, les pays des Balkans occidentaux deviendront tôt ou tard membres de l’UE. Maintenant, il est temps de nous rappeler nos engagements. Nous devons tâcher à ce  que la Macédoine (l’Ancienne république yougoslave de Macédoine) entame des négociations formelles d’adhésion à l’UE, cette année même. De plus, la Serbie doit se débarrasser des fardeaux du passé, notamment des craintes et des fantômes du régime de Slobodan Milošević, principal instigateur du retardement de la démocratisation des Balkans occidentaux. En outre, il ne faut surtout pas oublier l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro et le Kosovo.

Dans ce cadre, le Sommet UE-Balkans occidentaux, qui aura lieu à la fin du mois de mars prochain en Slovénie, est d’une très grande importance. La Commission, en coopération avec la France, rédige actuellement une Communication spéciale sur les Balkans occidentaux. Le sommet débattra également du renforcement de la coopération régionale à différents  niveaux (les transports, la protection civile, la recherche et le développement, etc.).

Conformément aux résolutions prises lors de la réunion du Conseil des Affaires générales et des relations extérieures en janvier dernier, la Commission européenne négocie actuellement la libéralisation du régime des visas avec tous les pays de cette région. Il ne faut en aucun cas sous-estimer l’importance extraordinaire de l’abolition progressive des visas pour la région entière. À cet égard, il convient de souligner un paradoxe singulier : avant 1990, les citoyens de l’ex-Yougoslavie n’avaient nul besoin de visa pour se rendre dans la plupart des pays européens. Aujourd’hui, les jeunes générations, celles qui ont grandi après l’année qui a constitué un tournant pour l’Europe, ne peuvent plus sortir de leurs pays sans visa.

(Politique de l’UE envers la Serbie)

Lors du Conseil de janvier, d’un  commun accord, les ministres des Affaires étrangères ont invité la Serbie à la signature d’un accord politique qui constitue un nouveau pas vers son adhésion à l’UE. Par la suite, la victoire aux élections du candidat pro-européen, M. Tadič, nous a  permis d’espérer, après des années d’immobilisme et d’isolement, que la Serbie pourrait nous rejoindre  le plus vite possible.

Pour ce qui est du Kosovo, l’UE a déjà annoncé le déploiement de la mission relevant du cadre de la Politique européenne de défense et de sécurité (PESD). Par ailleurs, l’établissement de relations avec le Kosovo demeure à la prérogative de chaque Etat membre ; cependant et selon toute vraisemblance, il n’y aura pas de divergences entre les Etats membres à l’égard des analyses de fond annoncées lors du Conseil de décembre. Le plus important est de tenir compte de la Serbie. L’UE a besoin de la Serbie et la Serbie a besoin de l’UE. Le dialogue interculturel n’est pas un principe dépourvu de sens. Les négociations terminées, les possibilités de dialogue existent toujours. Il est donc temps de mettre en place un dialogue pragmatique entre les Serbes et les Albanais du Kosovo, entre la Serbie et le Kosovo et entre la Serbie et l’UE.

(Le Kosovo)

Le destin du Kosovo  pèse lourd sur nos épaules depuis de longues années. Autrefois,  il faisait partie du système fédéral de la Yougoslavie et, après 1974,  son statut était comparable à celui des autres républiques yougoslaves. Vers la fin des années 80, Slobodan Milošević l’a privé de son autonomie et a fini par l’occuper militairement en 1999, ce qui a causé une tragédie à l’échelle mondiale. Le cas du Kosovo est, en effet,  unique :  la communauté internationale a de fait été  obligée de le protéger pour des raisons humanitaires et  en a également assuré  la gestion  pendant les neuf années qui ont suivi. La décision prise lundi par le président du Conseil des Affaires générales et des relations extérieures n’a pas été facile. Toutefois, ni cette même décision ni la proclamation d’indépendance par Priština ne sont le fruit du hasard. Les faits déterminants qui les ont suscitées  sont les suivants :

  1. Nous avons tous conscience qu’un retour en arrière de même que le statu quo actuel  ne sont acceptables. Les deux parties n’ont pas réussi à s’entendre sur le futur statut du Kosovo et il est évident que la poursuite des négociations n’aurait rien apporté de mieux.
  2. Depuis 1999, le Kosovo se trouve sous l’égide de l’ONU et, depuis cette date, la Serbie – en conformité avec la résolution 1244 – n’a pas exercé de pouvoirs effectifs sur cette région. 
  3. Avant cette date, la population du Kosovo, notamment celle de la majorité albanaise, a été exposée à une répression systématique, au nettoyage ethnique et à une catastrophe humanitaire. 

Tous ces faits  démontrent que le Kosovo constitue en effet un cas particulier – sui generis – et que pour cette raison, les principes de souveraineté et d’intégrité territoriale des Etats ne sauraient être remis en cause.

Depuis déjà quelque temps, au Conseil, nous étions persuadés que la responsabilité  du  Kosovo devait être assumée par l’Union européenne. Cette conviction a été réaffirmée lors de la réunion du GAERC de février passé par le biais des décisions dont vous avez tous connaissance. Après les prophéties de discorde lancées à tout-va, nous avons réussi à faire montre de notre unité. Les décisions – suite à de longues négociations et démarches de coordination – ont été finalement adoptées à l’unanimité.

(La cohésion au sein de l’Union européenne)

L’Union européenne est une communauté singulière et digne d’intérêt. Ses membres sont liés tant par des intérêts communs que par des valeurs communes. De plus, ils partagent entre eux le respect mutuel et la tolérance à l’égard des différences. En effet, nous pourrions dire que ce sont bien nos différences qui nous rassemblent. Au terme de la session du GAERC de février, nous avons abouti à une position commune. La conclusion importante de cette position reste que, concernant la reconnaissance internationale du Kosovo, nous escomptons  des démarches conformes aux pratiques « nationales » de chaque Etat membre. Certains s’attendaient à ce que l’UE reconnaisse le Kosovo en bloc ; cependant, cela ne saurait être possible, l’UE ne constituant pas un Etat.   

Sur quoi alors repose cette nouvelle cohésion de l’UE ? L’évaluation commune de la situation au Kosovo et dans les pays des Balkans occidentaux adoptée par l’UE y contribue grandement :

  1. L’UE a pris acte que le Kosovo a adopté une résolution d'indépendance ;
  2. L’UE prend note que par ladite résolution, le Kosovo s’engage aux principes démocratiques – par exemple à l’égard de la minorité serbe et de la protection des monuments culturels serbes ; 
  3. L’UE a confirmé sa volonté de poursuivre sa mission internationale et de se tenir prête à assumer le rôle prépondérant dans la région ; 
  4. L’UE a confirmé la perspective européenne des Balkans occidentaux ;
  5. La Commission européenne envisage de préparer des mesures concrètes (économiques, entre autres) pour la région dans un sens large ;
  6. L’UE est consciente des principes prônés par la communauté internationale, mais soutient qu’en raison de sa spécificité, la proclamation d’indépendance du Kosovo ne porte pas atteinte à ces principes.  

En outre, le Kosovo implique et englobe également la population serbe, son patrimoine et sa culture. Il s’agit, en l’occurrence, d’une partie intégrante et précieuse de la culture européenne.

De  plus, les monuments du patrimoine culturel et ethnique de nombreuses nations européennes, y compris de la Slovénie, se trouvent en dehors des frontières nationales de leurs territoires. Cela est un fait qui, dans  l’Europe contemporaine, ne constitue plus d’obstacles mais représente plutôt des liens à nouer. Il en va de même pour les minorités ethniques.

Selon nous, il est crucial que la Serbie ne referme pas la porte de l’UE derrière elle, comme pourraient le laisser entendre ses réactions suite à la proclamation et à la reconnaissance du Kosovo.  Je le répète, la question du Kosovo est séparée de la question de l’intégration de la Serbie à l’UE. La Serbie ne devrait donc pas relier ces deux éléments entre eux. C’est précisément en ce sens que l’opposition de la Serbie à l’encontre de la mission de l’UE au Kosovo nous paraît incompréhensible, notamment du fait que cette dernière sert en premier lieu les intérêts de la population serbe vivant au Kosovo.

 

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Date: 20.02.2008